actualités

Vers la fin des allocations chômage en cas d’abandon de poste ?

Une proposition de réforme, présentée à l’Assemblée, vise à mettre fin au bénéfice des allocations chômage en cas d’abandon de poste d’un salarié.

Quels sont les changements induis par cette proposition de réforme ? Quels en seraient les impacts ? Quelles difficultés peut-elle poser ? Analyse de ce qui pourrait n’être qu’une fausse bonne idée.

Mise en place d’une présomption de démission

La proposition de réforme prévoit que le salarié qui abandonne son poste et ne reprend pas son travail, après avoir fait l’objet d’une mise en demeure à cette fin, est présumé démissionnaire.

Le salarié pourra toutefois contester la rupture de son contrat de travail en saisissant le Conseil de prud’hommes.

Le bureau de jugement doit alors se prononcer dans le délai (théorique) de 1 mois.

Remise en cause du principe même de la démission

Cette réforme bouleverse l’équilibre du droit de la rupture unilatérale du contrat de travail.

Par principe, la démission doit toujours être claire et non équivoque. Et la jurisprudence est constante sur ce point, depuis de nombreuses années.

Ce qui ne serait plus le cas au terme de cette réforme qui institue une présomption de démission. Présomption qui pose de très nombreuses questions pratiques.

Des difficultés pratiques pour les entreprises

Cette réforme pourrait présenter des risques pour les entreprises.

Lorsqu’un salarié souhaite un départ, celui-ci pense toujours à la rupture conventionnelle.

Or, cette rupture conventionnelle est souvent difficile pour des petites entreprises dont les capacités financières sont limitées. Elle peut également l’être pour de grandes entreprises qui ne souhaitent pas ouvrir de brèche.

L’abandon de poste constitue alors souvent une porte de sortie acceptable pour le salarié. Qu’il s’agisse d’un départ en raison de conditions de travail dégradées, ou pour entamer un nouveau projet professionnel.

Dorénavant, le salarié pourrait, malgré son envie de départ, être contraint de rester dans l’entreprise. Pire, il pourrait tout faire pour se faire licencier pour un autre motif. Ce qui désorganisera à coup sûr l’entreprise, avec toutes les conséquences préjudiciables qu’on connait.

Autre difficulté, l’inapplication de cette procédure dans certains cas. Le projet de réforme nous précise que cette présomption n’est pas applicable en cas de manquements à la santé et à la sécurité. Le conseil de prud’hommes devra alors vérifier s’il existe de telles problématiques. Auquel cas, la rupture sera requalifié en licenciement, le cas échéant sans cause réelle et sérieuse.

Une procédure contournable?

L’abandon de poste, qui suppose une absence continue, suit un régime quelque peu différent de la simple absence injustifiée.

Le salarié pourrait ainsi se présenter au sein de l’entreprise le lendemain de sa mise en demeure par l’employeur.

Il pourrait ensuite renouveler le procédé en ne se présentant pas le sur lendemain. Il ne s’agirait dès lors plus d’un abandon de poste mais de simples absences injustifiées.

Dans ce cas, le salarié pourrait être licencié pour ce motif et bénéficier, semble-t-il, en retour, des indemnités chômage.

Des garanties procédurales insuffisantes

Le texte permet au salarié de renverser cette présomption en saisissant le Conseil de prud’hommes. Lequel doit alors se prononcer, selon le texte, dans le délai de 1 mois.

Or, en pratique, ce délai est intenable.

Le salarié se retrouvera alors pendant plusieurs mois sans aucune ressource.

Par ailleurs, en cas de contentieux cela pourrait couter cher à l’employeur. En effet, le Conseil de prud’hommes pourrait condamner la société à indemniser le salarié du préjudice subi. Lequel serait constitué par la privation des allocations chômages pendant plusieurs mois.

De nombreuses interrogations sur la fin de contrat

Enfin, comment gérer la fin de contrat? L’employeur devra-t-il adresser un courrier au salarié? Ou bien seulement lui adresser les documents relatifs à la fin de contrat?

Que deviendront les dispositions conventionnelles existantes? Par exemple, la convention collective de l’immobilier exige que la démission soit écrite. Or si la démission est présumée, par définition il n’y a pas d’écrit.

Également, quel sera le sort de la prévoyance? Qu’en sera-t-il de la portabilité qui suppose d’être indemnisée par le pôle emploi?

Par ailleurs, quid si le salarié obtient gain de cause devant le Conseil de prud’hommes? A partir de quand débute le délai de portabilité de 12 mois? Qui indemnisera les mois perdus?

Autant de questions qui ne manqueront pas de se présenter.

On l’aura compris, cette réforme pourrait bien être une véritable usine à gaz.

Une usine à gaz qui pourrait faire le bonheur des avocats, tant la rédaction du texte est juridiquement peu rigoureuse.

L’objectif affichée par les députés est de préserver l’assurance chômage. Mais le réel objectif ne serait-il pas plus politique, voire populiste?

Les sénateurs examineront le texte à partir du 25 octobre prochain. A suivre donc.

Pour toute question, n’hésitez pas à contacter le cabinet, on est là pour vous accompagner.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *