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La Cour de cassation valide un licenciement fondé sur la « banalisation des violences à l’égard des femmes »

La Cour de cassation estime justifié le licenciement pour faute grave d’un célèbre animateur de jeu télévisé pour ses propos tenus lors d’une émission, et banalisant les violences faites aux femmes.

Si le salarié jouit effectivement d’une liberté d’expression dans et en dehors de l’entreprise, il ne peut en abuser. Illustration.

Les faits

Le célèbre animateur de l’émission « Les Z’amours » sur France 2 est licencié le 14 octobre 2017, pour faute grave.

La société lui reproche d’avoir abusé de sa liberté d’expression. En effet, au cours d’une émission, diffusé sur une autre chaîne, pour la promotion de son spectacle, l’animateur avait formulé une « plaisanterie » en ces termes : « Comme c’est un sujet sensible, je la tente : les gars vous savez c’qu’on dit à une femme qu’a déja les deux yeux au beurre noir? On lui dit plus rien, on vient déjà d’lui expliquer deux fois! ».

Ces propos avaient alors fait naître une vive polémique.

Le salarié estimait qu’il pouvait user librement de sa liberté d’expression dans et en dehors de l’entreprise, et qu’il n’avait commis aucun abus. Ni aucun manquement à son engagement d’éthique, d’autant plus, selon lui, qu’il est humoriste.

La Cour d’appel

La Cour d’appel retient que le salarié s’était engagée, lors de la signature de son contrat de travail, à respecter la Charte des antennes de France Télévisions. En particulier « le respect des droits de la personne » comme constituant « une des caractéristiques majeures de l’esprit devant animer les programmes des chaines publiques de télévision ».

Le contrat de travail prévoyait également que « toute atteinte à ce principe, qu’elle se manifeste à l’antenne ou sur d’autres médias, constituerait une faute grave permettant de rompre le contrat ».

Cette Charte prévoyait notamment « le refus de toute complaisance à l’égard des propos risquant d’exposer une personne ou un groupe de personnes à la haine ou au mépris, notamment pour des motifs fondés sur le sexe ». Elle prévoyait également le « refus de toute valorisation de la violence et des forme perverses qu’elle peut prendre telles que le sexisme et l’atteinte à la dignité humaine ».

L’appréciation des juges du fond

Dans leur appréciation, les juges du fond retiennent plusieurs éléments.

D’abord, que cette « blague » a été formulée dans un contexte sociétal où la parole des femmes se libère sur les réseaux sociaux.

Egalement, qu’elle intervient dans un contexte politique précis puisque le Président avait annoncé des mesures visant à lutter contre les violences sexistes et sexuelles.

Encore, que ces propos ont été tenus « lors d’une émission diffusée en direct, à un heure de grande écoute ».

Enfin, les juges retiennent que cette dérive a été suivie d’un comportement déplacé à l’égard d’une candidate de l’émission « consistant en plusieurs questions sur la fréquence de ses relations sexuelles avec son compagnon ». Cette dérive ne correspondait d’ailleurs pas aux engagements renouvelés auprès de son employeur lorsque celui-ci l’avait alerté sur la nécessité de faire évoluer le comportement qu’il avait sur le plateau avec les femmes.

La Cour de cassation

Pour la Cour de cassation, pas d’atteinte excessive à la liberté d’expression.

Elle approuve la Cour d’appel d’avoir conclu que « le comportement adopté par le salarié dans les jours qui ont suivi son intervention dans l’émission, loin de le distancier de la banalisation apparente de la violence vis-à-vis des femmes résultant des termes de sa « blague », renforçait au contraire cette banalisation ».

Elle indique également que « la réitération de propos misogynes, déplacés et injurieux ne permettait pas de retenir la légitimé des transgressions que s’était autorisées le salariée en abusant de sa liberté d’expression ».

La Cour de cassation retient aussi que le salarié s’est affranchi de la clause d’éthique à laquelle il avait contractuellement souscrit.

Pour elle, cette attitude contribue à ternir durablement l’image de la société qui l’emploie. Et ce d’autant que son employeur avait été destinataire d’un courrier de mise en demeure de la part de France Télévisions, pour remplacer l’animateur.

Conclusion

La Cour de cassation valide ainsi le licenciement.

Elle précise que ce licenciement poursuivait le but légitime de lutte contre les discriminations à raison du sexe et les violences domestiques, et celui de la protection de la réputation et des droits de l’employeur.

Pas d’atteinte excessive à la liberté d’expression donc.

Communiqué de presse

Dans un communiqué qui accompagne la décision, la Cour de cassation précise qu’elle ne juge pas qu’un humoriste n’a pas le droit de faire une telle « blague » à la télévision. Elle précise qu’au regard des clauses contractuelles, et des circonstances de l’affaire, le licenciement ne constituait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression.

Cass. Soc. 20 avril 2012.
Pour toute question, n’hésitez pas à contacter le cabinet.

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